samedi 28 mars 2015

La mise en oeuvre de l'information judiciaire

A-    Les caractères de l’information judiciaire

Les articles 154 et 165 traitent respectivement du caractère secret et du caractère écrit de l’instruction. A côté de cela l'instruction judiciaire est aussi caractérisée par le non contradictoire.

Le secret de l’instruction
La procédure d’information judiciaire se déroule à huit clos dans le cabinet du juge d’instruction assisté seulement de son greffier.

Le caractère écrit de l’instruction
Tous les actes de l’instruction préalable sont écrits et l’ensemble de ces actes constitue le dossier de l’information. Ces actes sont dactylographiés par le greffier audiencier sous le contrôle effectif du juge d’instruction.

Le caractère non contradictoire de l’instruction
La contradiction ou la non contradiction dans la procédure d’instruction a pour objectif de régler le problème de l’égalité ou de l’inégalité des parties à cette phase. Il s’agit là de manière simple d’un droit égal de protestation reconnu aux parties. Les parties peuvent également, sur décision du juge d’instruction, être amenées à confronter leur version des faits.

B-    Les modes de saisine du juge d’instruction

Le réquisitoire introductif d’instance
Il s’agit d’un acte écrit du Procureur de la République par lequel ce dernier saisit le juge d’instruction. Il est pris contre une personne dénommée ou non.  Il comporte les éléments suivants :
-        La qualification pénale des faits reprochés
-        La mention que l’action publique n’est pas éteinte par l’un des évènements prévus par l’Article 62 du Code de procédure pénale
-        La date et la signature du Procureur de la République.

Une fois toutes ces conditions de forme respectées, le réquisitoire introductif d’instance est transmis au juge d’instruction par l’intermédiaire du Président du Tribunal. Dans les tribunaux ou il existe plusieurs juges d’instruction, c’est au Président du Tribunal que revient la charge de designer le juge d’instruction de l’affaire.

La plainte avec constitution de partie civile
Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou par un délit peut, en portant plainte, se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent. Par cet acte il met d’office l’action publique en mouvement. Une fois les formalités de consignation remplies le juge d’instruction communique la plainte au Procureur de la République pour son réquisitoire. Celui-ci peut tendre soit à l’irrecevabilité de la constitution de partie civile, soit à ce qu’il soit informé contre personne dénommée ou non dénommée, soit le Procureur de la République requiert l’individu visé soit entendu comme témoin par le juge d’instruction.

Lorsqu’une plainte avec constitution de partie civile aboutit à une ordonnance de non-lieu, l’inculpé peut saisir la juridiction civile pour demander des dommages-intérêts pour constitution de partie civile abusive.

La saisine du juge d’instruction a pour principale conséquence l’ouverture d’une information judiciaire.

lundi 16 mars 2015

La clause d’amiable composition en droit de l’arbitrage

Le jugement en équité est l’ancêtre du jugement puisque, historiquement, il remonte à une époque où la règle de droit n’était pas encore formalisée. Dans le vieux conflit qui oppose encore aujourd’hui l’application de la règle de droit au sentiment que la justice a été rendue, le jugement en équité permet la rencontre du droit et de la justice. Le juge peut s’affranchir des règles de droit, il n’y est pas tenu ; il peut trancher le litige selon les règles de droit qui lui semblent équitables, car l’équité et le droit ne sont pas toujours divergents. En droit de l’arbitrage, ce pouvoir du juge est conféré à l’arbitre sous l’impulsion de la clause d’amiable composition.

Au Cameroun, l’article 592 du Code de procédure civile et commercial précise que les arbitres et tiers arbitre décideront d'après les règles du droit, à moins que le compromis ne leur donne pouvoir de prononcer comme amiables compositeurs. L’amiable composition peut alors se définir comme une clause qui permet aux parties de demander aux arbitres de trancher sur la base de l’équité. Les parties dispensent les arbitres de l'obligation qui leur est faite de statuer en appliquant les règles du droit, ce qui revient à les autoriser à statuer en équité en recherchant la solution la plus adéquate (ex aequo et bono). L’amiable composition ne signifie pas que les arbitres tranchent sans jamais recourir aux fondamentaux juridiques. C’est à la doctrine et à la jurisprudence que revient le rôle de tracer les frontières de l’amiable composition. En clair, les arbitres doivent privilégier la recherche de l’équité.

Consacrée par de nombreuses lois étrangères, et reconnue par les règlements des centres d’arbitrages les plus connus dont celui du GICAM (Groupement Interpatronal du Cameroun), l’amiable composition offre l’avantage d’une administration plus souple de la justice et apparait avant tout soit comme un correctif, soit comme un complément de la règle de droit. Toutefois son analyse comme instrument idéal de l’imprévision n’emporte pas la conviction, dans la mesure ou l’amiable compositeur exerce une mission juridictionnelle et que l’adaptation de contrats à des circonstances nouvelles, à l’intervention d’un tiers nommé par les parties ou à l’initiative d’une institution spécialisée, relève d’un autre mécanisme.

Une simple clause d’amiable composition insérée dans le contrat principal engage les parties, dès la signature, à soumettre leur éventuel litige à un arbitre qui statuera en équité. 

La mission de l’amiable compositeur
Même lorsqu’il dispose des pouvoirs d’amiable compositeur, l’arbitre a l’obligation de se conformer à la mission qui lui est conférée. Il doit toujours faire coïncider sa sentence avec les termes du litige qui lui est soumis, en ne statuant que sur ce qui lui est demandée.

Si l’arbitre a la faculté de statuer selon les règles du droit, l’amiable compositeur a seulement la faculté de les appliquer : il peut, en effet, juger que la plus stricte équité consiste à appliquer le droit, mais il peut aussi écarter au nom de l’équité la solution fondée sur celui-ci. Sa mission est donc d’éliminer l’inéquité de la solution du litige ; aussi doit-il motiver en équité sa volonté d’appliquer au litige les seules règles du droit, s’il les juge propres à donner au litige la solution la plus juste.

La stipulation d’une telle clause nécessite une prudence particulière ainsi qu’une confiance renforcée dans les arbitres, à qui on laisse le libre champ dans la rédaction de la sentence arbitrale. La clause d’amiable composition doit en conséquence être expresse et sans ambiguïté, à défaut de quoi la présomption selon laquelle les arbitres doivent statuer en droit reprend le dessus. Mais, ils ne doivent pas ignorer les règles de droit, violer une règle d’ordre public, outrepasser une règle de procédure, et bouleverser la loi contractuelle des parties

L’amiable compositeur et le fond du droit
L’amiable compositeur peut le cas échéant statuer sans le concours du droit lorsque son application conduit à des conséquences trop rigoureuses. Ainsi n’est-il pas tenu de prendre en compte les règles impératives du droit qui ne protègent que des intérêts privés auxquelles les parties peuvent valablement renoncer lors de la mise en œuvre de l’instance arbitrale.

Ainsi l’amiable compositeur peut-il rejeter un moyen de défense tirée de la prescription extinctive ou acquisitive, compenser des créances en dehors des conditions légales, prononcer une condamnation solidaire alors que la solidaire n’avait pas été stipulée, repousser une demande de résiliation justifiée en droit et ordonner l’exécution du contrat, retenir pour les intérêts moratoires un taux différent de celui fixé par la loi. En matière de sociétés, l’amiable compositeur a le pouvoir, en cas de partage de l’avoir social d’attribuer à l’un des associés toutes les créances douteuses, en laissant le recouvrement a ses risques.

L’amiable compositeur et la règle d’ordre public
Même lorsqu’il statue en qualité d’amiable compositeur, l’arbitre doit trancher le litige conformément aux règles d’ordre public.

Si les parties n’invoquent pas ces règles devant l’arbitre, il appartient à celui-ci d’en faire application d’office, sous réserve du respect de la contradiction. Ainsi, l’amiable composition ne pourra faire produire effet à un contrat contraire aux dispositions d’ordre public.

L’amiable compositeur et les règles de procédure
La dispense faite aux arbitres de suivre dans la procédure les formes s’appliquant aux tribunaux ordinaires n’implique évidemment pas qu’ils disposent du pouvoir de statuer comme amiables compositeurs.

L’amiable compositeur est tenu en ce qui concerne la procédure, de respecter les dispositions d’ordre public par l’obligation pour l’arbitre amiable compositeur de ne statuer que sur les points déterminés par la convention d’arbitrage, de motiver sa décision quand bien même les parties l’en auraient dispensé.

En plus de cela, l’amiable compositeur doit respecter le principe de l’égalité de traitement des parties et celui de la contradiction. S’il soulève d’office un moyen, les parties doivent être invitées à en débattre ; sauf autorisation expresse des parties, l’amiable compositeur ne peut fonder sa décision sur des éléments recueillis en leur absence lors d’une descente sur les lieux. Le respect des droits de la défense emporte donc l’absolue nécessité de l’application des principes fondamentaux relevant de la mission de juger inhérente à l’amiable composition.

L’amiable compositeur et le contrat
Le respect des conventions avenues entre parties s’impose à l’amiable compositeur, lequel est tenu de demeurer dans le cadre contractuel qu’elles ont tracée. Toutefois il se conforme aux principes de l’amiable composition lorsqu’il modifie ou modère les conséquences de certaines clauses contractuelles en considération de motifs tenant à l’équité. Il ne peut en revanche modifier les bases de la convention passée entre les parties, en dispensant par exemple l’une d’elles de tous les engagements qu’elle a souscrits. Néanmoins, nous pouvons noter quelques limites au pouvoir d’amiable compositeur de l’arbitre.

Les limites de l’amiable composition ou l’équité sans amiable composition
La frontière entre l’arbitrage et l’amiable composition s’estompe lorsque l’arbitre, statuant en droit, a précisé que l’indemnité au profit d’une partie devait être déterminée ex aequo et bono, conformément au pouvoir d’appréciation dont il dispose à l’instar du juge ordinaire ; il ne saurait lui être reproché, dans ce cas, de s’être arrogé des pouvoirs d’amiable compositeur et d’avoir par une impropriété de termes, utilisés l’expression « en équité » pour qualifier la somme qu’il décidait correspondre à la juste indemnisation au bénéfice du préjudiciée.

In fine, la principale raison qui explique le succès de l’amiable composition arbitrale tient à la différence essentielle entre la justice étatique et la justice arbitrale. À l’inverse du juge, l’arbitre est choisi par les parties. Dès lors la relation de confiance est moins ténue et s’en remettre à son sentiment d’équité est plus justifié. La différence ne tient donc pas à l’amiable composition elle-même qui est invariable, mais à son environnement juridique.

mercredi 11 mars 2015

La Diffamation en Droit pénal camerounais

a)      La règle de droit

L’article 305 du Code pénal camerounais sanctionne la diffamation. L’auteur de la diffamation est celui qui, par l’un des moyens prévus à l’article 152 porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne en lui imputant directement ou non des faits dont il ne peut rapporter la preuve. La diffamation peut se faire par voie de presse écrite, de radio ou de télévision, sans préjudice du droit de réponse et du devoir de rectification.

Les conditions nécessaires pour qualifier la diffamation :
- La partie civile doit démontrée qu’elle est personnellement atteinte ;
- Le fait dénoncé publiquement doit porter atteinte à son honneur (contraire à la probité ou à la loyauté de la personne visée) ou à la considération d’une personne (détruit ou diminue l’estime que les tiers ont de la personne).

La partie civile doit apporter la preuve de la diffamation.

b)     Les moyens de défense du prévenu

Le prévenu peut toutefois échapper aux poursuites lorsqu’il démontre la véracité de son imputation ; lorsque la loi lui interdit de rapporter cette preuve l’auteur d’une imputation considérée comme diffamatoire peut échapper aux poursuites.

Véracité des faits diffamatoires
Le prévenu peut prouver ses dires pour se défendre.

Les preuves doivent être parfaites, complètes et liées aux accusations émises.

Toute preuve est acceptable par le tribunal. Le prévenu peut ainsi produire des éléments provenant d'une violation du secret de l'enquête ou de l'instruction ou de tout autre secret professionnel.

Ces preuves devront être signifiées à la partie poursuivante (le plaignant ou le parquet) avant le procès, dix jours maximum après la signification de la citation au prévenu.

Ces preuves doivent comprendre :
-          les propos à prouver,
-          la copie des pièces,
-          et les noms, professions et domiciles des témoins.

À noter : sauf si ces propos portent sur une accusation de viol ou d'agression sexuelle sur mineur, le prévenu ne peut prouver des accusations concernant la vie privée du plaignant.

Bonne foi
Le prévenu peut aussi arguer de sa bonne foi. Le prévenu peut utiliser un seul de ces moyens de défense ou les deux en même temps.

La bonne foi suppose le cumul de quatre critères :
-          la prudence et la mesure dans l'expression, sans exagération ni affirmation péremptoire,
-          l'absence d'animosité personnelle contre le plaignant,
-          la présence d'un but légitime : informer sur un scandale sanitaire par exemple,
-         et le sérieux de l'enquête, distinct de la véracité des faits. Les accusations du prévenu, qu'il soit journaliste ou non, doivent avoir une base factuelle suffisante même s'il s'est trompé au final. Le prévenu doit prouver qu'il n'a pas lancé ces accusations au hasard ou menti délibérément.

c)      Les peines encourues par le prévenu

D’après le Code pénal camerounais, la diffamation est punit d’un emprisonnement de six (6) jours a six (6) mois et d’une amende de 5.000 à 2 millions de francs ou de l’une de ces deux peines.
Les peines sont réduites de moitié si la diffamation n’est pas publique.

d)     La prescription

La prescription de l’action publique est de quatre mois à compter de la commission du délit ou du dernier acte de poursuite ou d’instruction.

Après ce délai, la victime ne peut plus entamer d'action en justice.