samedi 21 février 2015

La Clause de Stabilisation Juridique et Fiscale dans les Contrats pétroliers

Elle peut se définir comme un mécanisme, contractuel ou autre, qui vise à soumettre les dispositions des contrats à des conditions économiques et juridiques spécifiques que les parties ont considéré comme appropriées au moment où le contrat a été conclu. Elle prévient les changements de dispositions de la législation pétrolière (lois et ordonnances), de la règlementation pétrolière et des lois fiscales pouvant apparaitre après l’entrée en vigueur de la convention pétrolière. Cette modification est significative lorsqu’elle touche directement ou indirectement au profit économique du Contractant. Dans ce cas le contractant peut faire une requête auprès du Ministre en charge des Hydrocarbures. Dans un délai de deux (2) mois à compter de la réception de la requête du contractant par le Ministre en charge des Hydrocarbures qui peut :

-          Soit accepter la requête du contractant sur le base des justifications de ce dernier et faire en sorte que les dispositions législatives et règlementaires posant problème ne soient pas applicables au contractant ni à aucune entité le constituant ;
-          Soit rejeter par écrit les justifications apportées par le contractant.

Si le Ministre en charge des Hydrocarbures ne répond pas dans le délai escompté, la première solution sera réputée applicable. Elle vise également à maintenir l’équilibre économique et fiscal tel qu’il était convenu à l’entrée en vigueur du contrat. Il faut dire que cette décision ne vise pas à diminuer les droits ou à augmenter les obligations des contractants. La situation de l’investisseur étranger est très fragile puisque le gouvernement du pays hôte/pays d’accueil peut unilatéralement modifier certaines dispositions du contrat à un moment ou à un autre de la durée de vie du projet. C’est pour se prémunir contre ce risque d’instabilité que l’investisseur étranger/la Compagnie Pétrolière Internationale (CPI) et son banquier vont exiger l’inclusion d’une clause dite de stabilisation juridique et fiscale. Dans certains pays pétroliers, les CPI n’exigent pas de clauses semblables lors des négociations. Deux (2) cas de figure:

-       Le risque juridique (modification unilatérale du contrat) et le risque politique sont très faibles voire inexistants[1] ;
-          Bien que les risques juridiques et politiques soient élevés, le risque géologique (disponibilité en abondance de la ressource) est extrêmement bas.[2]
      
NB: parfois, la clause est incluse dans le contrat, mais ne peut être appliquée, faute de base légale (Ex: Gouvernement au lieu du Parlement) – Importance de la due diligence[3] par les avocats de l’investisseur.

Entre autres clauses des contrats nous pouvons également citer la clause gaz, les clauses d’enlèvement de la production, les clauses de recouvrement des couts pétroliers et partage de la production dans les CPP, etc.





[1] Exemple: Royaume Uni, Norvège, etc.
[2] Exemple: Arabie Saoudite, Brésil, etc.
[3] Ensemble des vérifications qu'un éventuel acquéreur ou investisseur va réaliser avant une transaction afin de se faire une idée précise de la situation d'une entreprise

mercredi 18 février 2015

Note de synthèse: Le portage d'actions

Dans son Mémento sur le droit des Sociétés commerciales, Francis Lefebvre a défini le portage comme la convention par laquelle un organisme financier convient avec une personne physique ou morale qu’il souscrira ou achètera des actions pour le compte de celle-ci à charge pour elle de les lui racheter au terme d’une période déterminée et moyennant un prix convenu d’avance. Il s'agit d'une convention par laquelle une personne (le porteur le plus souvent un établissement financier), acquiert des titres pour le compte d'un donneur d'ordre qui s'engage à racheter les titres à une date fixée et pour un prix minimum (promesse d'achat). Juridiquement parlant, le portage est une convention complexe qui ne peut être assimilée ni à une vente, ni à un prêt, ni à une société, ni à un dépôt ; c'est véritablement un contrat sui-generis (créé par la pratique). Ce contrat peut bien être annulé sur le fondement de la prohibition de la clause léonine si la promesse d'achat met l'associé bénéficiaire de la promesse à l'abri de tout aléa social. Le portage d’actions permet en effet à un investisseur de demander à un établissement de crédit d’acquérir lui-même des titres qu’il ne peut acheter à ce moment. Quel est le cadre juridique dans lequel évolue la notion de portage d’action ?

Ce thème revêt un intérêt à la fois juridique et économique. Sur le plan juridique il permet de cerner les contours juridiques et la règlementation qui entourent la convention de portage d’actions. Sur le plan économique, le thème proposé s’avère d’un intérêt non négligeable en raison du caractère économique et financier qu’occupe le portage d’actions dans les relations entre une société et un établissement à caractère financier.

Notre étude s’articulera principalement autour de la notion de portage d’actions (I) et du régime juridique du portage d’actions (II).

I.                    La notion de portage d’actions
Le portage d’actions peut être pris comme un service rendu par le porteur au donneur d’ordre du fait même de la prise de participation du porteur. La convention de portage se compose d’éléments précis pouvant être qualifiés d’essentiels et/ou de facultatifs (A). Il faut toutefois faire la différence entre la notion de portage et quelques notions connexes dont la convention de prête-nom (B) arrive en pole position.

A.     Éléments de la convention de portage
Le portage d’action est constitué des principaux éléments ci-dessous :
En principal :
-          Une promesse unilatérale d’achat par le donneur d’ordre : le donneur d’ordre s’engage à acheter les actions au porteur ;
-          Une promesse unilatérale de vente du porteur : au terme du contrat de portage, le porteur s’engage à revendre les actions au donneur d’ordre ;

En accessoire :
-          Les conditions d’exercice du droit de vote attaché aux actions « portées » ;
-          Le sort des dividendes qui seront versés pour ces actions ;
-          Le paiement d’une rémunération au porteur.

Entre autres, la convention de portage d’actions revêt de nombreux intérêts et permet principalement :

-          De dissimuler l’identité de l’acquéreur réel des actions pendant une période déterminée (portage-acquisition) ;
-          De faire financer l’acquisition des actions par un organisme financier, qui les détient ainsi en garantie jusqu’au remboursement du prix (portage-sûreté) ;
-          De geler momentanément un bloc d’actions important après leur acquisition par le donneur d’ordre en vue d’un reclassement ultérieur ;
-          Elle peut être un bon moyen de ne pas procéder à la déclaration de franchissement de seuil en capital auprès de l’Agence des Marchés Financiers lors d’une acquisition boursière ;
-          Le portage peut avoir un objectif de visibilité, ou non. Ainsi, le fait pour un établissement de crédit de porter  les actions d’une société eut avoir un intérêt d’amélioration de l’image de la société.

En plus de cela, la convention de portage d’actions a le principal avantage de ne pas entrainer la nullité de la société pour défaut d’affectio societatis du porteur, au motif qu’il ne détient pas les actions avec la volonté d’être associé, puisque l’absence d’affectio societatis ne constitue pas une cause de nullité des Sociétés Anonymes.

B.     Portage d’actions et notions voisines
La notion de portage d’actions constitue une habileté permise pour le donneur d’ordre. Dès lors que le donneur d’ordre a accepté la convention de portage il ne peut remettre en cause les droits du porteur avant l’expiration du terme contractuel. Il perd ses droits qui entrent directement dans le patrimoine du porteur. Dans la convention de prête-nom, le maitre de l’affaire ne veut pas perdre l’emprise qu’il a sur le prête-nom. Il se réserve le droit de le destituer à tout moment et rétablir la réalité à savoir qu’il est le seul propriétaire des actions.

On parle de simulation de portage d’actions lorsque le donneur d’ordre simule sa convention qui est en fait une convention de prête-nom. Ceci peut être prouvé lorsque le donneur d’ordre se réserverait le droit de défaire à tout moment la convention de portage en toute discrétion.

On parle de dénaturation de la convention portage lorsque le donneur d’ordre dénature le caractère temporaire de la convention en y insérant une durée trop courte ou trop longue.

II.                  Le régime juridique du portage d’actions
Le régime juridique du portage peut être centré sur l’analyse des conditions de validité de la convention de portage (A) et les effets du portage (B).

A.     Conditions de validité du portage d’actions
La convention de portage doit être licite. Ceci peut se constater dès lorsqu’elle ne constitue pas une fraude à la loi par la voie d’une interposition de personnes ; c’est-à-dire lorsqu’elle tend à éviter l’application d’une règle d’ordre public.

En l’absence d’une promesse de vente du porteur, celui-ci peut être tenu a raison de la cohérence d’ensemble des dispositions contractuelles, de vendre les actions à l’expiration de la période de portage (Cass.com. 15-2-1994 : Bull. Joly 1994 P. 508).
                         
B.     Effets juridique du portage d’actions
En principe, sauf stipulations contraires, le porteur n'a pas vocation à conserver les dividendes, ni à exercer les droits de vote attachés aux actions temporairement cédées :

« À défaut, il n'est plus un simple porteur, mais un véritable actionnaire, qui ne peut échapper à toute contribution aux pertes par la stipulation de promesses de vente et de rachat à prix fixe garanti ».

Le porteur ne poursuit aucun intérêt personnel dans la société. Son intérêt provient de sa relation personnelle avec le donneur d’ordre. Inversement il n’entend pas subir des répercutions sur son patrimoine social. L’Article 764 stipule que les actions sont en principe librement transmissibles.

La transmission des actions s'opère de la manière suivante :
1°) pour les sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne :
-          par transfert sur les registres de la société pour les actions nominatives, les droits du titulaire résultant de la seule inscription sur les registres de la société ;
-          par simple tradition pour les actions au porteur. Le porteur du titre est réputé en être le propriétaire;

2°) pour les sociétés faisant appel public à l'épargne :
-          outre l'option pour les modalités ci-dessus, qu'elles soient nominatives ou au porteur, les actions peuvent être représentées par une inscription dans un compte ouvert au nom de leur propriétaire et tenu soit par la société émettrice, soit par un intermédiaire financier agréé par le Ministre chargé de l'Économie et des Finances ; la transmission s'opère alors par virement de compte à compte.

Le portage d’actions entraine les conséquences suivantes:
-          Un transfert réel de la propriété des actions au porteur
-          Ce transfert intervient à l’initiative et pour le compte du donneur d’ordre
-          Un service rendu du porteur au donneur d’ordre du fait même de la prise de participation du porteur
-          Le dénouement des actions par un double engagement d’acquisition et de cession des actions fixé dès le départ

La convention de portage donne au nouveau porteur un certain nombre de prérogatives à savoir :
-          Le droit de vote : À chaque action, est attaché un droit de vote proportionnel à la quotité du capital qu’elle représente et chaque action donne droit à une voix au moins. Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. Les actions sans droit de vote ne sont pas admises ;
-          Le droit au dividende : À chaque action, est attaché un droit de dividende proportionnel à la  quotité du capital qu’elle représente. Les statuts ou l’assemblée générale extraordinaire peuvent accorder aux actions un droit au premier dividende ;
-          Le droit préférentiel de souscription : Les actionnaires ont proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions en numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Ce droit est négociable dans les mêmes conditions que l’action elle-même pendant la durée de la souscription.


Le donneur d’ordre est tenu de payer le prix convenu même si les actions ont, à l’issu du portage, perdu toute valeur, à condition que cette perte ne soit pas imputable à une faute du porteur (Cass. Com. 7-12-1993 : RJDA 4/94 no 417). Le donneur d’ordre, actionnaire à terme, jouit également d’une légitimité certaine pour être informé de ce qui se passe dans la société. Les actions portées sont à prendre en compte par le donneur d’ordre pour établir les franchissements de seuils dont la loi impose la déclaration.

mardi 17 février 2015

Recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui

Procéder au recouvrement amiable qu'après avoir conclu une convention écrite avec le créancier dans laquelle il lui est donné pouvoir de recevoir pour son compte.
Cette convention précise notamment :
1° Le fondement et le montant des sommes dues, avec l'indication distincte des différents éléments de la ou des créances à recouvrer sur le débiteur ;
2° Les conditions et les modalités de la garantie donnée au créancier contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en raison de l'activité de recouvrement des créances ;
3° Les conditions de détermination de la rémunération à la charge du créancier ;
4° Les conditions de reversement des fonds encaissés pour le compte du créancier.
La personne chargée du recouvrement amiable adresse au débiteur une lettre qui contient les mentions suivantes :
1° Les nom ou dénomination sociale de la personne chargée du recouvrement amiable, son adresse ou son siège social, l'indication qu'elle exerce une activité de recouvrement amiable ;
2° Les nom ou dénomination sociale du créancier, son adresse ou son siège social ;
3° Le fondement et le montant de la somme due en principal, intérêts et autres accessoires, en distinguant les différents éléments de la dette, et à l'exclusion des frais qui restent à la charge du créancier en application du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 susvisée ;
4° L'indication d'avoir à payer la somme due et les modalités de paiement de la dette ;
5° La reproduction des troisième et quatrième alinéas de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 précitée.
Les références et date d'envoi de la lettre visée à l'alinéa précédent devront être rappelées à l'occasion de toute autre démarche auprès du débiteur en vue du recouvrement amiable.
La personne chargée du recouvrement doit, lorsqu'elle a obtenu un paiement même partiel de la part du débiteur, en informer le créancier, dès lors que ce paiement ne résulte pas de l'exécution d'un accord de paiement échelonné déjà connu du créancier.
Sauf stipulation contraire, elle doit également le tenir informé de toute proposition du débiteur tendant à s'acquitter de son obligation par un autre moyen que le paiement immédiat de la somme réclamée.

Lorsqu'une société ou une entreprise souhaite procéder au recouvrement de créances, elle peut faire appel à une société spécialisée. Dans ce cas, elle va donner à la société spécialisée mandat ou procuration aux fins de procéder aux opérations de recouvrement amiable.
Dans ce contexte, l'entreprise faisant appel à la société spécialisée sera désignée comme le mandant, la société spécialisée sera le mandataire.

lundi 16 février 2015

Mieux comprendre la notion de "Due Dilligence"

La notion de  « due diligence » recouvre des sens différents selon les domaines où elle est utilisée : on la retrouve dans le droit international de l’environnement, le droit de la protection diplomatique, le droit international des investissement, le droit comptable et le droit privé des affaires.

Il s’agit d’une investigation menée par un investisseur ou un tiers permettant la vérification des éléments annoncés par l’entreprise. Lors de l'acquisition d'une entreprise, les due diligences sont l'ensemble des vérifications que l'acquéreur potentiel va réaliser afin de se faire une idée précise de la situation de l'entreprise.       
Les caractéristiques communes à ces définitions révèlent que la « due diligence » est porteuse d’une obligation de moyens, exigeant la réalisation d’un comportement minimum et dont l’appréciation demeure largement subjective. En droit privé, elle est issue de la jurisprudence nord-américaine selon laquelle les dirigeants sont soumis à l’obligation fiduciaire envers les actionnaires, l’entreprise et l’ensemble des parties prenantes d’agir de bonne foi. Elle n’exige que le bon accomplissement de formalités, plus ou moins contraignantes, exigées par les habitudes du secteur d’activité. Elle permet alors à l’entreprise de se dégager de sa responsabilité et d’établir une présomption simple en faveur de celle-ci.

La « due diligence » : une notion adaptée au contexte des droits de l’homme
La notion de « due diligence » couvre un large spectre de significations selon le contexte dans lequel l’expression est employée. On retrouve des références à ce concept dans des domaines divers allant du droit international de l’environnement au droit des sociétés. Une brève étude de son utilisation dans différents domaines permet toutefois de mettre en lumière les contours et les traits principaux de cette notion et de répondre à la question: cette notion est-elle adaptée à une utilisation dans le cadre des droits de l’homme ?

L’utilisation de la notion de « due diligence » dans les relations interétatiques
On retrouve le concept de « due diligence » dans le domaine du droit international de l’environnement, à travers le principe de l’utilisation non dommageable du territoire de l’Etat.
Il a été défini par la Cour Internationale de Justice comme « l'obligation pour tout Etat de ne pas laisser utiliser son territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats ». Cette obligation se rapproche d’un devoir de « prudence », de « diligence » : « Ainsi, l’interdiction de causer un dommage appréciable s’analyse-t-elle en une obligation de due diligence, obligation de moyens et non de résultats dont la signification n’est pas très éloignée de la notion de ‘’bon père de famille’’  du droit civil français ».

Comme le fait remarquer Hélène Ruiz-Fabri, ce concept met à la charge des Etats une  obligation de moyen, et en aucun cas une obligation de résultat. Il suppose que son destinataire prenne toutes les mesures appropriées dans le but réaliser un objectif déterminé : « Parties are required “to take all appropriate measures” with a view to reaching the result pursued by the obligations in point ». Si l’objectif à atteindre doit avoir été précisément déterminé, généralement par une norme (interne ou internationale), le comportement requis pour y parvenir ne l’est pas : l’exigence de « due diligence » impose seulement à son destinataire de prendre les mesures qui paraissent raisonnablement appropriées pour que la règle visée ne soit pas violée. Aussi, « le concept de due diligence est aussi très restrictif sur le plan du droit des obligations, puisque l'exigible doit rester raisonnable.

L’utilisation de la « due diligence » en droit international de l’environnement met également en lumière la difficulté à identifier la teneur des obligations pesant sur le destinataire. En effet, si l’évaluation de l’accomplissement d’une obligation de résultat est aisée, celle du respect d’une obligation de moyen implique plus de difficultés, laissant place à une grande subjectivité quant à l’appréciation du caractère « raisonnable » ou « approprié » du comportement en cause : « The due diligence nature of the obligations in point and the concept of “appropriateness” of the measures required involve a large measure of relativity as to both contents and time frame of the conduct which is to be taken by Parties ».

Certes, la notion de « due diligence » tient compte des circonstances particulières dans son appréciation. Mais c’est le comportement adopté dans ces mêmes circonstances qui est évalué, par rapport à un étalon de comportement jugé raisonnable in abstracto, c’est-à-dire en dehors de tout contexte: « Due diligence in a broad sense refers to the level of judgement, care, prudence, determination, and activity that a person would reasonably be expected to do under particular circumstances ».

La « due diligence » est également utilisée en droit international des investissements. Les standards de protection des investissements étrangers, tels que les principes de « traitement juste et équitable » et de « protection pleine et entière », recouvrent plusieurs notions. Les tribunaux arbitraux retiennent tout d’abord l’obligation de vigilance, « également présentée comme l’obligation d’agir avec la diligence due pour assurer la protection de l’investissement étranger ».

Dionisio Anzilotti l’explicite en ces termes : « Il est des devoirs internationaux qui consistent à exercer sur les individus soumis à l’autorité de l’Etat une vigilance correspondant aux fonctions et aux pouvoirs dont l’Etat est investi. Celui-ci n’est pas internationalement obligé d’empêcher d’une façon absolue que certains faits se réalisent ; mais il est tenu d’exercer, pour les empêcher, la vigilance qui entre dans ses fonctions ordinaires. Le défaut de vigilance est une inobservation du devoir imposé par le droit international, sans qu’il y ait alors à parler de faute au sens propre du terme ». Cette définition du devoir de vigilance, rattaché à l’obligation de « due diligence », tend donc à ne reconnaître la responsabilité de l’Etat que dans la sphère de ses pouvoirs et fonctions dits « ordinaires ». Il ne lui est pas demandé de fournir aucun effort de vigilance supplémentaire qui dépasserait sa « vigilance ordinaire » pour empêcher que se produisent des actes dommageables sur son territoire.

La « due diligence » définit ainsi un standard de comportement jugé raisonnable de la part d’un Etat « normal » : « Dans toutes les mesures de répression, l’Etat doit développer, comme dans les mesures de prévention, l’activité d’un Etat normal. C’est donc selon le principe du standard international qu’il faudra apprécier si les mesures de prévention ou de réaction […] sont ou non suffisantes au point de vue du droit des gens […]». La notion de « due diligence » est donc significative d’un devoir minimum de la part de son destinataire, auquel il semble difficile de faillir, sauf négligence frappante.

Au vu des divers domaines dans lesquels la notion de « due diligence » intervient en droit international, il résulte qu’elle n’exige, à travers les obligations qu’elle met à la charge des Etats, que la réalisation d’un comportement minimal au regard des circonstances de l’espèce, dont l’appréciation est réalisée de manière subjective selon un standard moyen et défini in abstracto. Les obligations de diligence « ne réclament que des comportements moyens ».

L’utilisation de la notion de « due diligence » en droit privé
Le concept de « due diligence » en droit des sociétés peut être schématisé comme l’exigence d’un niveau minimum de prudence dans la prise en compte d’un standard extérieur au sein de la décision de l’entreprise. La « due diligence » peut être intégrée à toutes les activités que mène l’entreprise : transactions financières, fusions-acquisitions d’entreprises, contrats de sous-traitance etc. Elle peut par exemple répondre à la prise en compte d’une préoccupation environnementale dans la décision, ou de lutte contre le blanchiment d’argent et le terrorisme financier, ou, plus couramment, de viabilité économique de la décision. On peut donc utiliser ce concept pour la prise en compte de la préoccupation de respect des droits de l’homme dans le processus de décision de l’entreprise.

L’expression « due diligence » est « très largement issue de la jurisprudence nordaméricaine [...], selon laquelle les dirigeants et les conseils d’administration sont soumis à l’obligation fiduciaire (fiduciary duties) envers les actionnaires, l’entreprise et la société en tant que telle, c’est à dire l’ensemble des parties prenantes. Cette obligation de fiducie (gérer pour autrui) est complétée par la notion de ‘’business judgment’’, qui représente la marge raisonnable d’appréciation conférée aux dirigeants pour leur permettre de représenter l’intérêt d’une conduite des affaires efficace, pourvu que ces derniers agissent de bonne foi (bona fide)». Si l’expression anglo-saxonne est certes d’apparition récente, le principe qu’elle recouvre est en revanche aussi ancien que la naissance du commerce transnational : « The concept of due diligence has been with us from the very begining of transactions between strangers […]. This practical advice forms part of the general process by which reasonable business people inform themselves about the transaction they are contemplating so they may satisfy themselves, their superiors, their shareholders, or their principals that the transaction is what it appears to be. The Americans may have come up with a catchy name in ‘due diligence’, but […]) they did not invent the concept ».

L’équivalent français de l’expression anglaise « due diligence » se trouve dans les définitions de l’« audit préalable » et de l’« obligation de vigilance ». L’audit préalable est une « investigation qui implique le recours à des experts, notamment comptables, financiers, juridiques ou fiscaux, dont les conclusions serviront de base à la prise de décision d’un investisseur », tandis que l’obligation de vigilance est un « ensemble de prescriptions légales imposant aux établissements de crédit et à toute personne recueillant des fonds des contrôles visant à identifier leur interlocuteur et l’origine de leurs ressources ». La « due diligence » est donc avant tout un processus visant à introduire une dimension de prudence, à travers la réalisation d’un audit préalable ou de contrôles divers, dans la prise de décision,
vis-à-vis de facteurs extérieurs.

La « due diligence » doit être intégrée au processus de décision lui même. Elle est devenue d’usage général face à la multiplication des régimes de responsabilités, notamment en matière d’environnement, pouvant toucher l’entreprise : « Due diligence is used any time the law imposes duties of careful investigation or for private reasons, the parties to a transaction want to be as informed as reasonably possible about all of its material aspects ». Le processus de « due diligence » vise donc à protéger l’entreprise elle-même des éventuels aspects néfastes, notamment sur le plan financier, inhérents à la décision qu’elle prend : « An efficient due diligence process can save companies from making costly mistakes that may have profound consequences for the firm’s other operational areas and/or its corporate reputation ».

Le destinataire étant encouragé à prendre une décision à la lumière d’une investigation préalable raisonnablement menée, le caractère raisonnable semble être laissé à l’appréciation d’un tiers (qui n’est pas un juge) sans que ne soient définis les critères de jugement applicables. Le caractère subjectif attaché au concept de «due diligence », déjà remarqué en droit international, se retrouve donc dans le droit des entreprises. On retrouve cette subjectivité dans l’ébauche d’une « théorie des apparences » qui est parfois attachée à la description de la mise en œuvre du processus de « due diligence » par l’entreprise, faisant primer la perception extérieure – l’apparence – à la réalité de la situation de fait dans l’identification des violations des droits de l’homme : « The focus of due diligence should be to identify risks to the rights of people (…). These risks may arise from company involvement in human right abuse, or from the perception on the part of stakeholders that the company is a participant in abuses ». A ce titre, conformément à l’exigence de « comportements moyens » décrite en amont, le processus de « due diligence » tel qu’il est entendu dans le droit des entreprises, permet à celui qui l’applique de se contenter du bon accomplissement des formalités, plus ou moins contraignantes, exigées par celui-ci. L’accomplissement de ces formalités dégage alors l’acquéreur de sa responsabilité quant aux suites de l’opération : « In the USA, the American Society of Testing and Materials has developed  a Phase I scope which if completed gives the purchaser ‘innocent purchaser status’ ».

En « droit américain, [la due diligence] établit une présomption en faveur de la direction de l’entreprise. Or une présomption, même simple, complique les choses du point de vue de la preuve et limite en tout cas la portée de l’action : il suffit que l’entreprise ait fait des démarches préalables à son opération pour s’acquitter de son obligation ».

Cette notion est-elle adaptée à la problématique des droits de l’homme ?
Par l’ambivalence de sa signification, le concept de « due diligence » n’aide guère à dissiper la confusion existant en droit international autour des obligations en matière de droits de l’homme. Le sens qu’on lui attribue diffère selon qu’il est utilisé en droit international ou dans le contexte du droit des entreprises. Le domaine de la RSE étant nourri à la fois par le droit international (par l’élaboration de normes ou de recommandations à l’échelle internationale) et par le droit des entreprises (auxquelles il s’adresse dans sa finalité), l’utilisation de la notion de « due diligence » dans ce domaine est ambivalente. D’un côté, elle ouvre des perspectives intéressantes : « Les dirigeants ne sont pas censés se substituer aux gouvernements pour faire valoir les droits de l’homme et l’intérêt général.

Mais ils ne peuvent pas non plus se retrancher derrière les carences des gouvernements dans ce domaine sans, en quelque sorte, devenir complice de ces carences. De leur côté, les gouvernements ont le devoir d’encourager la bonne conduite sociétale des entreprises et doivent faciliter le respect des normes éthiques. C’est dans cette articulation entre gouvernance publique (les Etats) et gouvernance privée (les organisations) que la notion de « due diligence » prend toute sa signification en tant que règle applicable en droit privé et en droit public, qu’elle devient source et modèle de comportement ».

A ce flou s’ajoute la question de l’adéquation de son contenu à la problématique des droits de l’homme : subjectivité, obligations de moyen, exigence de comportements seulement minima, lien flou avec les possibilités d’engagement de la responsabilité… sont-ce des principes sur lesquels fonder le respect des droits de l'Homme ? L’adoption de la « due diligence » sans clarification préalable ni étayage par des concepts qui lui confèrent une dimension plus ambitieuse ne semble, au total, pas suffisante pour préciser l’étendue des obligations  incombant aux entreprises dans le domaine des droits de l’homme.

La « due diligence » face aux exigences de développement durable
La responsabilité sociale des entreprises n’est pas étrangère au concept de développement durable qui s’est peu à peu imposé dans le vocabulaire de l’entreprise, à l’échelle mondiale. L’interprétation de la RSE en tant que « l’application dans l’entreprise de la notion de développement durable » est ainsi « couramment admise ». Les Principes Directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales ainsi que le texte de la norme ISO 26000 l’affirment explicitement.

Le concept de développement durable sur lequel prend appui la RSE ne doit donc pas être exclu de la définition du champ d’application des normes internationales en matière de respect des droits de l’homme par les entreprises. A ce titre, il serait réducteur d’estimer que la stratégie de développement durable n’aurait d’impact qu’en matière de protection de l’environnement et non en matière de protection des droits de l’homme. L’être humain est au centre de la biosphère, dont il est une composante. Protection de l’environnement et protection des droits de l’homme sont donc interdépendantes et difficilement détachables.

On retrouve cette vision dans la définition même du concept de « développement durable » tel qu’il avait été décrit dans le Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU – dit rapport Bruntland – d’avril 1987. D’après celui-ci, « le développement durable répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

Il y a donc un aspect temporel du champ d’application de la responsabilité sociale des entreprises qui demande à être pris en compte. La notion de « sphère d’influence » permet, dans une interprétation extensive, de recouvrir non seulement un champ matériel, mais aussi un champ temporel. Une entreprise doit alors tenir compte, dans la conduite de ses activités, des impacts de ces dernières sur les générations futures, répondant ainsi aux exigences de durabilité sur lesquelles s’appuie la RSE. Cet aspect est particulièrement pertinent vis-à-vis des entreprises menant des activités en lien direct avec la préservation de l’environnement. Il s’agit des entreprises exploitant directement des ressources naturelles épuisables, telles les sociétés d’exploitation forestière ou minière, mais également celles dont la durée du cycle de vie des produits est très longue : l’industrie nucléaire ou chimique.

Ainsi, derrière un débat – apparemment théorique – entre les notions de « due diligence » et de « sphère d’influence » apparaissent au fond des enjeux importants et concrets quant au champ et au degré de responsabilité des entreprises. La notion de « due diligence », déconnectée de celle de « sphère d’influence »,  ne peut prétendre répondre aux ambitions de développement durable et aux espoirs d’un capitalisme humanisé.

Définition de la chose jugée

Fût-il rendu en l'état des justifications produites, un jugement a dès son prononcé l'autorité de la chose jugée de sorte qu'une nouvelle demande identique, fût-elle assortie de nouveaux éléments de preuve est irrecevable (2°chambre civile, 4 juin 2009, pourvoi n°08-15837, BICC n°712 du 1er décembre 2008 et Legifrance). Consulter la note de M. Sommer référencée à la Bibliographie ci-après. Le jugement s'impose même en cas de méconnaissance d'un principe d'ordre public. (2e Civ. - 25 octobre 2007. BICC n°676 du 15 février 2008). Lorsqu'une des partie a exercé son droit d'appel, la cause reste "pendante" devant la Cour d'appel et l' autorité qui s'attache au jugement, on dit aussi "la force de chose jugée", est conservée jusqu'à ce que la juridiction du second degré ait statué.
Si le jugement de première instance est infirmé, ou s'il est seulement réformé, l'autorité de la chose jugée s'attache alors à la nouvelle décision. Si le jugement de première instance est confirmé, l'autorité de la chose jugée continue à s'appliquer. Après sa signification l'arrêt de la Cour d'appel, devient exécutoire. Ce principe qui pose le principe hiérarchique réglant les rapports des tribunaux, interdit, sauf s'il s'agit d'une juridiction supérieure saisie d'un recours légal (opposition, appel ou pourvoi en cassation), de revenir sur les dispositions d'une décision précédente devenue définitive ; il impose, sous certaines conditions, au second tribunal devant lequel l'exception est soulevée, de tenir compte du contenu de la ou des décisions définitives déjà prononcées par un autre tribunal d'un même Ordre (juridictions civiles entre elles, juridictions pénales entre elles, juridictions civiles et juridictions pénales). L'autorité de la chose jugée s'applique aussi sur les points de droit pour la connaissance desquels la Loi leur a donné compétence, lorsque les tribunaux appartiennent à des ordres différents (Tribunaux de l'Ordre judiciaire et Tribunaux administratifs).
L''autorité de la chose jugée au pénal sur le civil s'attache à ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, sur sa qualification ainsi que sur la culpabilité de celui à qui le fait est imputé (1ère Chambre civile 24 octobre 2012, pourvoi n°11-20442, BICC n°776 du 15 février 2013 et Legifrance). Elle agit à l'égard des parties, dans son double effet positif et négatif : elle constitue une présomption de vérité d'une part et irrecevabilité de la nouvelle demande d'autre part à la condition, d'une triple identité de parties, d'objet et de cause. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu'est privée de base légale la décision qui accueille la fin de non-recevoir sans en caractériser la réunion (Com., 16 janvier 1980, Bull. 1980, IV, n° 26). Il a été jugé (2e Civ. - 25 octobre 2007, BICC n°676 du 15 février 2008), D'autre part, il y a identité de cause. quant le demandeur a engagé une action en responsabilité contractuelle devant une juridiction civile alors que sa demande précédemment présentée devant une juridiction pénale fondée sur la responsabilité délictuelle a été rejetée ou encore quand il y a fait droit (2e Chambre civile 10 novembre 2010, pourvoi n°09-14728, BICC n°737 du 1er mars 2011). Jugé en revanche, par un arrêt du même jour, que l'action en exécution du contrat d'assurances n'a pas le même objet que l'action en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la société d'assurances à son devoir de conseil (2e Chambre civile 10 novembre 2010, pourvoi n°09-14948, BICC n°737 du 1er mars 2011 et Legifrance). Consulter aussi les notes de Madame Nathalie Fricero et celle de M. Jean-Jacques Barbiéri référencées dans la Bibliographie ci-après et 2e Civ., 25 mars 2010, pourvoi n° 08-21. 687, Bull. 2010, II, n° 69.
L'autorité de la chose jugée ne s'attache qu'aux décisions définitives, à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement et ce qui a été tranché dans le jugement ou l' arrêt (2e Civ., 10 juillet 2003, Bull., II, n°237, p. 197, 1ère Chambre civile 22 novembre 2005, BICC 1er mars 2006 n°358 ; 17 janvier 2006. BICC n°638 du 15 avril 2006)) et encore à la condition que la juridiction ait jugé au fond et non sur un incident de procédure. L'arrêt qui déclare une demande irrecevable comme nouvelle en appel ne bénéficie pas de l'autorité de la chose jugée. Il s'ensuit que cette irrecevabilité ne fait pas obstacle à ce que la même demande soit présentée dans une nouvelle instance (2e chambre civile 9 juillet 2009, pourvoi n°08-17600, BICC n°715 du 1er février 2010 et Legifrance). Cependant, les motifs d'un jugement ou d'un arrêt ne peuvent être pris en considération pour justifier un nouveau droit d'agir (2e Chambre civile 20 mai 2010, pourvoi n°09-15435, BICC n°729 du 15 octobre 2010 et Legifrance). Enfin il faut noter que lorsque le premier juge reste saisi à la suite d'un jugement avant dire droit et qu'il doit statuer après dépôt d'un rapport d'expertise, l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant déclaré irrecevable la demande d'une partie, comme ayant été formée pour la première fois en cause d'appel, n'interdit pas à son auteur de la présenter de nouveau devant les juges du premier degré, (2e Chambre civile 2 décembre 2010, pourvoi n°09-68295, BICC n°739 du 1er avril 2011 et Legifrance)
Les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas autorité de chose jugée, à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance (3e Chambre civile, 8 juillet 2009, pourvoi n°08-14611, BICC n°715 du 1er février 2010 et Legifrance). Quant au juge répressif, la partie de la décision par laquelle il statue sur la seule action civile n'est dotée d'une autorité que lorsqu'elle porte sur la régularité des actes de l'information (Ch. mixte. - 10 octobre 2008, Rapport de Mme Radenne Conseiller rapporteur, Avis de M. de Gouttes Premier avocat général). Quant aux ordonnances de référé, elles ne tranche aucune contestation ; elles n'ont pas autorité de la chose jugée (2ème CIV. - 17 novembre 2005, BICC n°635 du 1er mars 2006). De même, une irrecevabilité en l'état n'a pas l'autorité de la chose jugée. (2e Civ. - 3 juillet 2008, BICC n°692 du 1er décembre 2008) L'autorité de la chose jugée ne s'applique pas non plus ni aux décisions prises en matière gracieuse (1ère Civ., 13 janvier 1996, Juris-data no 000-080 ; 6 novembre 1979, Dalloz 1980, p. 295.), ni à la récusation qui est une mesure d'administration judiciaire (Chambre criminelle 6 juillet 2011, pourvoi n°11-82861, Legifrance), ni encore à la décision d'admission au regard de la personne intéressée, au sens de l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985, ayant formé une réclamation contre l'état des créances en application de ce texte (Chambre commerciale 12 juillet 2011, pourvoi n°10-20165 (Legifrance).
Les motifs d'un jugement, en particuliers ceux qui constituent le soutien nécessaire de la décision, bénéficient ils de l'effet de l'autorité de la chose jugée ?. Cette opinion quelquefois admise a été controversée. Elle a été écartée par un arrêt du 13 mars 2009. l'Assemblée plénière a jugé sur le Rapport de Mme Gabet, conseiller, et l'avis écrit de M. Maynial, premier avocat général, que "l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif " Par suite, violait les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile la cour d'appel qui déclarait irrecevables les demandes formées par le plaideur, en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement, alors que celui-ci n'avait pas tranché dans son dispositif les demandes reconventionnelles présentées par le plaideur lors de la première instance (Assemblée plénière 13 mars 2009 pourvoi n°08-16033, BICC n°703 du 1er juin 2009, Legifrance).
L'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque la demande est fondée sur une cause différente de celle qui a donné lieu au jugement ou lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (Cass. 2ème CIV. - 3 juin 2004, BICC n°605 du 1er oct. 2004, n°1389). la Cour de cassation a jugé qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. A défaut, le seul changement de fondement juridique ne suffit pas à caractériser la nouveauté de la cause, et par suite à écarter l'autorité de la chose jugée sur la demande originaire (Ass. Plén. 7 juillet 2006). En revanche, si des demandeurs ont été précédemment déboutés d'une demande d'expulsion d'anciens employés de leur auteur ayant autorisé ces derniers à demeurer à titre gracieux dans une maison lui appartenant, la juridiction saisie une seconde fois n'a pu qu'en déduire, en l'absence de faits nouveaux venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice, et sans encourir les griefs de violation de l'article 6 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 544, 545 du code civil et de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention précitée, qu'ils étaient irrecevables en leurs prétentions tendant aux mêmes fins puisqu'ils entendaient à nouveau obtenir, en se fondant en particulier sur le droit de résiliation unilatérale reconnu au prêteur lorsque le prêt est à durée indéterminée, la résiliation du contrat liant les parties et l'expulsion des occupants (1ère chambre civile, pourvoi n°08-10517, BICC n°720 du 15 avril 2010 et Legifrance). Mais une identité d'objet entre les demandes, dont la seule différence de fondement juridique, fût-elle avérée, est insuffisante à écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à une sentence arbitrale précédente (1ère Chambre civile 12 avril 2012, pourvoi n°11-14123, BICC n°767 du 15 septembre 2012 et Legifrance). Consulter aussi la note de M. Jacques Béguin référencée dans la Bibliographie ci-après.
Mais, la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice. Ainsi, les résolutions d'habilitation d'un syndic de copropriété qui avait été jugé sans pouvoir par la juridiction du premier degré, et qui avaient été prises postérieurement à ce jugement de première instance, ont pu constituer des faits juridiques nouveaux privant cette dernière décision de l'autorité de la chose jugée à l'égard de l'instance d'appel (2e chambre civile 6 mai 2010, pourvoi n°09-14737, BICC n°728 du 1er octobre 2010 et Legifrance). Consulter la note de M. Junillon référencée dans la Bibliographie ci-après;
L'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt ayant déclaré irrecevable une demande, comme formée pour la première fois en cause d'appel, n'interdit pas à son auteur d'introduire celle-ci dans une nouvelle instance devant les juges du premier degré, (3°chambre civile, 27 mai 2009, pourvoi : 08-11388, BICC n°711 du 15 novembre 2009 et Legifrance) voir aussi, 3e Civ., 12 janvier 1993, pourvoi n° 90-17. 764, Bull. 1993, IV, n° 4 (2). Enfin, sauf dans certaines matières, le droit français considérant qu'il s'agit d'une règle d'intérêt privé, d'une part, les parties peuvent se convenir de renoncer aux dispositions d'un jugement ou d'un arrêt, detransiger, de recommencer une nouvelle procédure, ou de faire juger à nouveau leur différend, éventuellement par voie d'arbitrage et, d'autre part, le juge ne peut soulever d'office le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée.
Un arrêt de la Cour de cassation, du 22 mai 2003 (Cass. 2e civ., Juris-Data n° 2003-019040) a décidé que selon l'article 174 du décret du 27 novembre 1991, les réclamations relatives au montant et au recouvrement des honoraires des avocats peuvent être jugées sans autre condition de délai pour agir que celui de la prescription extinctive trentenaire, que selon l'article 480 du Nouveau Code de procédure civile, le jugement qui statuait dans son dispositif sur une fin de non-recevoir n'avait l'autorité de la chose jugée que relativement à la contestation qu'il tranchait. La Cour en a déduit que l''autorité de la chose jugée d'une ordonnance ayant statué sur une fin de non-recevoir sans examen au fond ne pouvait faire obstacle à la présentation d'une nouvelle réclamation devant le Bâtonnier, juge du premier degré de la contestation d'honoraires, dès lors que la prescription de l'action n'était pas acquise et qu'en décidant le contraire, le premier président avait violé les articles précités.
L'autorité de la chose jugée s'attache au jugement mais aussi, entre parties, à la transaction (Ass. Plén. 24 février 2006, BICC 640 du 15 Mai 2006), comme à la sentence arbitrale. Selon la troisième chambre de la Cour de cassation (3e Civ., 9 octobre 1974, Bull. 1974, III, n° 354), le dispositif qui comporte des réserves, même implicites, n'a pas, sur le point concerné, autorité de la chose jugée.
Au plan du droit communautaire, dans un arrêt du 16 mars 2006 , la Cour de Justice (CJCE, Première Chambre, 16 mars 2006, aff. C-234/04, Rosmarie Kapferer c/ Schlank Schick GmbH JCP A 2006, act. 278), qui avait été saisie d'une demande de décision préjudicielle au titre de l'article 234 CE, a déclaré qu'il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus par ces recours ne puissent plus être remises en cause. Pour la Cour de Justice, le droit communautaire n'impose pas à une juridiction nationale d'écarter des règles de procédure interne afin de réexaminer une décision judiciaire passée en force de chose jugée et de l'annuler, lorsqu'il apparaît qu'elle est contraire au droit communautaire.
Il existe une règle procédurale qui découle de l'autorité de la chose jugée dont elle assure le respect, c'est le principe de concentration des demandes. Elle est voisine aussi de la règle de l'unicité de l'instance qui s'applique devant les juridictions prud'homales. La Cour de cassation a approuvé une Cour d'appel qui a jugé qu'il appartenait à des cautions solidaires poursuivis en exécution de leurs obligations de présenter dès l'instance initiale l'ensemble des moyens qu'ils estimaient de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande. Ayant relevé que, poursuivis en exécution de leurs engagements de caution, ils n'avaient développé lors de l'instance initiale que des contestations relatives à la validité et à la portée de leurs emprunts sans faire valoir que la banque avait engagé sa responsabilité civile à leur égard et qu'elle devait être condamnée à leur payer des dommages-intérêts qui viendraient en compensation avec les condamnations prononcées à leur encontre, la Cour d'appel en avait exactement déduit qu'était irrecevable la demande dont elle était saisie, qui ne tendait qu'à remettre en cause, par un nouveau moyen qui n'avait pas été formé en temps utile, la condamnation irrévocable prononcée à leur encontre (1ère chambre civile 1er juillet 2010, pourvoi n°09-10364, LexisNexis, et Legifrance)
Il convient de noter cependant, que dans cet arrêt, la Cour de Justice a appliqué la règle de l'autorité de la chose jugée au recours qui avait été engagé une seconde fois devant une juridiction nationale sur le fondement du non respect du droit communautaire alors que sa première décision était devenue définitive, la CJCE a rendu sa décision en renvoyant à la règle procédurale interne qui gouvernait le droit applicable devant la juridiction nationale qui avait statué, mais la Cour n'a dit pas si elle eût déclaré ce recours irrecevable dans le cas où l'une ou l'autre des parties l'en eût saisi. On notera que dans ses conclusions l'Avocat Général V. Antonio a rappelé que même dans le cas où la responsabilité de l'État est engagée pour violation du droit communautaire par un juge national, ainsi que la Cour l'avait déjà décidé dans un arrêt Arrêt Köbler, l'application de ce principe n'impose pas «[en] tout état de cause […] la révision de la décision juridictionnelle ayant causé le dommage»
Au plan du droit international, le fait que le mari ait engagé en Algérie une procédure précipitée pour faire échec à la demande de son épouse qui avait saisi une juridiction française pour obtenir une contribution aux charges du mariage, a constitué une fraude au jugement dans le but de faire échec à l'exécution de la décision française devant intervenir de sorte que c'est à bon droit que la juridiction française a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement algérien de divorce. (1ère Chambre civile 20 juin 2012, pourvoi n°11-30120, BICC n°773 du 15 décembre 2012 et Legifrance). Consulter la note de M. Laurent Abadie référencée dans la Bibliographie ci-après. Jugé aussi que s'il appartient au juge de l'exequatur de s'assurer de la conformité de la décision qui lui est soumise à l'ordre public international français, ce contrôle ne peut conduire à réviser au fond une décision ayant acquis autorité de chose jugée dans l'Etat dont elle émane et autorité irrévocable par épuisement des voies de recours dans cet Etat (C. A. Versailles (1ère Ch., 1ère sect.), 6 janvier 2005 -BICC n°632 du 15 janvier 2006).
Textes
·         Code civil, Articles 1351 et s.
·         Code de procédure civile, Articles 480 et 1476.
Bibliographie
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